Parmi les femmes esclaves, le destin de Solitude, (vers 1772-1802) est sans doute l’un des plus tragiques. En effet cette esclave métisse originaire de la Guadeloupe est pendue à moins de trente ans, au lendemain de son accouchement, pour rébellion.
Par Claire Boutin
Le moins que l’on puisse dire c’est que les fées ne sont pas penchées sur le berceau de Rosalie. En effet, sa mère Bayangumay, esclave africaine est violée par un marin sur le bateau qui la déporte aux Antilles, où le bébé naîtra. Son surnom de mulâtresse lui collera ensuite à la peau et lui rappellera sans cesse ses origines métisses. Arrivée en Guadeloupe elle est rapidement séparée de sa mère. Un colon, remarquant sa peau et ses yeux clairs en fait une domestique de maison. C’est la « classe supérieure » des esclaves avec des conditions de vie moins dures que dans les champs de coton.
Huit petites années de liberté
Le 4 février 1794, l’esclavage est aboli par la Convention à travers le décret de Pluviôse. Solitude rejoint alors une communauté marrone d’esclaves libres située à Goyave et dirigée par le Moudongue Sanga.
Mais l’embellie est de courte durée. Ainsi, le 10 mai 1802, le métisse Louis Delgrès, 36 ans, soupçonne avec raison le Premier Consul Bonaparte, qu’il admire par ailleurs, de vouloir rétablir l’esclavage, huit ans après son abolition. Aussi, le 10 mail 1802 il lance un appel à la résistance. Il publie dans la foulée une proclamation intitulée « A l’Univers entier, le dernier cri de l’innocence et désespoir. »
Ses peurs sont fondées puisque 10 jours plus tard, le 20 mai 1802, Napoléon rétablit effectivement l’esclavage dans les colonies françaises avec sa loi sur la traite négrière.
Pendue à un peu moins de 30 ans
Solitude alors enceinte de trois mois se rallie à l’appel de Louis Delgrès et se joint à 300 affranchis qui luttent pour conserver leur liberté. Hélas, au bout de plusieurs jours de combat, les forces coloniales les encerclent dans le fort d’Anglemont à Matouba. Se sachant vaincus, Louis Delgrès et ses compagnons se suicident à l’explosif. Les survivants sont exécutés. Arrêtée, Solitude est condamnée à mort et emprisonnée. Elle est pendue le 29 novembre 1802 quelques heures seulement après avoir mis au monde son bébé. Elle n’a pas trente ans. On ignore encore à ce jour ce que son enfant est devenu.
Une reconnaissance qui arrive enfin en Métropole
Si des monuments à la gloire de Solitude existent déjà en Guadeloupe, il faut bien admettre qu’elle a été (trop) longtemps invisibilisée en France. Un « oubli » réparé le 26 septembre 2020 dans le 17ème arrondissement de Paris avec l’inauguration d’un jardin par Anne Hidalgo, maire de la capitale. Une statue devrait être prochainement érigée dans ce jardin. Ce sera la première statue d’une femme noire dans la capitale. Paris qui ne compte en tout et pour tout que quarante statues de femmes sur les mille présentes !
Citons enfin la ville de Bagneux dans les Hauts-de-Seine. En 2007, cette commune avait déjà implanté une statue de l’esclave rebelle à l’occasion de la commémoration de l’abolition de l’esclavage et de la traite négrière. Une initiative qui entre dans le cadre de son jumelage avec la ville de Grand-Bourg sur l’île de Marie-Galante, l’une des îles de l’archipel guadeloupéen. Cette œuvre, composée de bois d’Afrique (iroko) et de métal, est, selon son créateur le sculpteur Nicolas Alquin, « le premier mémorial au monde dédié à tous les esclaves résistants ». L’œuvre rappelle le « Nègre de fer mis au fer dans sa propre peau ».
Pour aller plus loin, lire le roman biographique La Mulâtresse Solitude d’André Schwarz-Bart publié en 1972. En 2008, une comédie musicale, Solitude la Marronne, a été adaptée du roman.