Que penserait Madeleine Pelletier, cette grande féministe du début du XXème siècle de notre société si elle revenait parmi nous ? Elle serait certainement ravie des progrès accomplis mais tout aussi sûrement navrée de constater que le patriarcat domine toujours.
En tant que suffragette Madeleine Pelletier, décédée en 1939, serait avant tout heureuse du droit de vote des femmes acquis en 1944. Un acquis fondamental qu’elle a loupé de peu. Mais elle serait sûrement scandalisée de constater que nous boudons aujourd’hui les isoloirs. Notamment lors des départementales de juin 2021.
Côté politique, elle serait aussi certainement très déçue que la France n’ait encore jamais connu de Présidente de la République. Et le passage éclair de notre seule Première Ministre , Édith Cresson, la ferait à coup sûr rager. Elle n’aurait de cesse de fustiger le machisme qui sévit encore dans les partis politiques mais approuverait la loi sur la parité.
Elle serait aussi en première ligne pour exiger l’égalité des salaires et dénoncerait le plafond de verre qui empêche les femmes d’accéder aux hautes fonctions. Mais elle saluerait le congé maternité et l’allongement récent de celui accordé aux hommes.
Elle qui attachait tant d’importance à l’apparence vestimentaire en tant que révélateur de notre identité profonde envierait certainement notre liberté actuelle. Mais elle serait effarée d’apprendre que la loi interdisant le port du pantalon aux femmes, sauf dérogation, n’a été abrogée qu’en 2017. Même si son usage était caduc depuis longtemps. Elle déplorerait aussi certainement nos talons hauts, nos strings, nos soins cosmétiques et nos opérations esthétiques, afin de plaire aux hommes.
Des droits imparfaits pour les femmes
Cette fervente partisante du droit à l’avortement applaudirait aux lois Veil de 1975 et 1979. Mais elle déplorerait l‘accès difficile par endroits à l’IVG. Le manque aussi d’information et de prévention sur la sexualité, notamment à l’école. Et elle hurlerait en découvrant le nombre important de féminicides (102 en 2020 et déjà 57 en 2021 !)
En revanche, pas sûr que cette adepte d’une éducation féministe des filles y trouverait son compte. On pense par exemple à sa stupéfaction en parcourant les rayons rose et bleus dans les magasins de jouets. Ou que l’on n’offre toujours pas de poupées aux garçons !
Une chose est certaine toutefois, elle préfèrerait notre époque imparfaite à la sienne. Surtout elle ne terminerait pas sa vie internée car jugée irresponsable pour une faute (un avortement) qu’elle n’a pas commise !
Claire Boutin