« Le choix du roi », l’école « maternelle », « l’instinct maternel, c’est inné », « c’est un vrai garçon manqué ! », » t’as tes règles ou quoi ? » , « c’est pas un truc de fille »… Autant d’expressions sexistes que nous utilisons toutes et tous, la plupart du temps sans y penser. Pourtant elles véhiculent à « bas bruit » le sexisme ordinaire qui contribue à maintenir des siècles de domination masculine. D’où l’urgence de les déconstruire ou mieux de les bannir de notre langage.
Le temps est plus que venu de faire attention aux phrases que nous prononçons. En effet, elles véhiculent des clichés sexistes, parfois sans nous en rendre compte, parce qu’elles font partie du « paysage » depuis tellement longtemps. Or, si nous voulons construire une société égalitaire, il est urgent d’expurger de notre langage toutes ces expressions. Car elles contribuent au mieux à maintenir des différences entre les sexes et au pire à nous dévaloriser.
Un sexisme précoce
Demandons-nous par exemple d’où vient l’expression « le choix du roi », couramment employée pour « féliciter » des parents qui ont un garçon puis une fille. Il paraît que l’on parle du « choix de la reine » lorsque l’on a une fille puis un garçon, mais cette expression n’est guère utilisée…
Sans en connaître l’origine, on peut tout de suite pointer qu’il s’agit du choix…d’un homme. En fait, cette locution remonte au Moyen-Âge, où l’on parlait du » souhait du roi ». Une formulation plus exacte car même un roi n’a pas le pouvoir de décider du sexe de ses enfants, ce que laisse entendre justement « le choix du roi ». Car au Moyen-Âge, selon la loi salique, les filles ne pouvaient pas monter sur le trône en France. Contrairement à un garçon qui pouvait ainsi pérenniser son nom. Mais avoir ensuite une fille pouvait lui permettre d’agrandir son royaume en la mariant « bien ». Mais pourquoi faire perdurer une expression d’autant que nous ne sommes ni roi ni reine ? Tout simplement parce qu’ il y a encore l’idée qu’un garçon va faire perdurer le nom de la famille.
Un garçon manqué, c’est une fille…réussie
Belle pirouette de Jacques Prévert ! Et on le remercie de nous sortir par le haut du cul-de-sac de cette expression ignoble qui sous-entend que les filles auront beau faire, elles n’arriveront jamais à la cheville des garçons. Hélas, l’inverse est pire puisqu’un garçon qui se montre trop « féminin » est aussitôt qualifié de chochotte, voire de tapette à la sensibilité trop exacerbée. « Un garçon, ça ne pleure pas » pouvait-on entendre couramment il n’y a pas si longtemps ! En clair, vouloir ressembler à un garçon, donc à un mâle dominant c’est la classe tandis que vouloir faire comme une fille, c’est la honte. Autant d’injonctions de genre que nous intégrons parfois dès l’enfance et qui sont longues à déconstruites.
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Le bon vieux prétexte sexiste des règles
« T’as tes règles ou quoi ? » Cette expression, on y a toutes eu droit un jour, que ce soit à la maison ou au bureau avec le ton bien condescendant qui va avec. Une autre variante est tut aussi courante : « T’es totalement hystérique ! » Or, ces deux « interpellations » nous renvoient à notre fonction de procréation puisque le mot hystérique vient du mot utérus. Mieux, l’hystérie n’aurait jamais existé. Pour preuve, elle n’apparaît plus aujourd’hui dans les manuels de psychiatrie. En fait, on dénie toujours aux femmes le droit à la colère et à l’agressivité, qualités évidemment valorisées chez les hommes. En résumé, un homme qui s’énerve a du caractère tandis qu’une femme qui élève la voix est chiante.
Le cas particulier des blagues sexistes
Le 11 février 2019 dans l’émission Touche pas à mon Poste, Jean-Marie Bigard a raconté la soi-disant « blague de la déchirure ». Un texte qui appelle à la violence et au viol contre les femmes et que donc, je refuse de reproduire ici. Cette saillie tombait sous le coup de la loi mais elle ne lui a procuré aucun ennui judiciaire. Elle a en revanche provoqué un énorme scandale et l’annulation d’une tournée de spectacles dans le Var. Décision qu’il déplore dans une vidéo où il ose se poser en victime. Le plus affligeant est qu’il affirme « ne pas comprendre pourquoi une « blague » qu’il raconte depuis 30 ans lui cause aujourd’hui des problèmes ! « Qu’il se rassure, nous sommes nombreuses et nombreux à savoir pourquoi !
Idem pour les blagues de blondes en plus insidieux car le sexisme ordinaire qu’elles véhiculent passe justement sous les radars. On rigole quoi ! Et tant pis si les blondes passent pour des gourdes ou des idiotes et se sentent humiliées et dévalorisées !
Claire Boutin